Cinquante ans après la loi Veil, plusieurs milliers d'opposants à l'avortement ont manifesté dimanche à Paris dans le cadre de la "marche pour la vie" qui vise aussi à dénoncer la volonté de relancer le débat parlementaire sur la loi portant sur la fin de vie.
"IVG, ça suffit, nous marchons pour la vie", "euthanasie, loi du mépris": entonnant ces mots d'ordre, le cortège de cette manifestation, à l'initiative de militants s'inscrivant dans les rangs catholiques conservateurs, est parti à 14H00 de la place du Trocadéro, dans l'ouest de la capitale.
Le cortège a rassemblé 4.300 personnes, selon la préfecture de police. Les organisateurs ont revendiqué 15.000 participants.
La manifestation est organisée chaque année autour de l'anniversaire de la loi portée par Simone Veil relative à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et promulguée le 17 janvier 1975.
"C'est une marche pour le droit à vivre, pour montrer que le débat est toujours ouvert en France, pour que les Français se questionnent sur les convictions qui sont défendues ici", a dit à l'AFP, Sophie, 23 ans, qui comme les autres manifestants interrogés n'a pas souhaité révéler son patronyme.
S'exprimant sur un podium au-dessus duquel une banderole proclamait "50 ans de défense de la vie" et où était barré d'un trait "50 ans de défaites politiques", le président de la Marche pour la vie, Nicolas Tardy-Joubert a affirmé ne pas avoir "peur de dire que l'avortement est la première cause de mortalité en France pour l'espèce humaine".
"Il y a 50 ans, la loi Veil qui dépénalisait l'avortement a été promulguée. Cette loi a causé de lourdes pertes humaines et entraîné la mort et l'exclusion de plus de 10 millions de bébés de la société française", a-t-il lancé à la foule avant que celle-ci ne respecte une minute de silence.
Selon les derniers chiffres officiels, 243.623 IVG ont été enregistrées en 2023, soit 8.600 de plus que l'année précédente.
Si les règles encadrant l'avortement ont été assouplies depuis 1975 et si "la liberté garantie à la femme" de recourir à l'IVG a été inscrite en 2024 dans la Constitution, les associations féministes s'alarment d'un droit toujours "fragile" et font état "d'attaques régulières" de ses opposants.
En début de manifestation, une dizaine de militantes du collectif féministe NousToutes ont déployé une banderole "les anti-IVG ont du sang sur les mains" avant d'être exfiltrées par le service de sécurité.
-"changement de civilisation"-
Outre l'opposition à l'IVG, les organisateurs de la "marche pour la vie" réclament comme l'an dernier une échographie obligatoire dès la sixième semaine de grossesse, permettant d'"entendre battre le cœur du fœtus", ou encore un délai de réflexion de trois jours avant toute IVG.
Ils appellent également à "encourager l'accouchement sous X" et à défendre "le droit absolu à l'objection de conscience des personnels de santé et protéger la clause de conscience spécifique."
Autre sujet également à l'ordre du jour de la manifestation, le rejet de toute "légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie" et l'appel à "un grand plan pour que les soins palliatifs soient accessibles" à tous.
"Je pense que ce serait vraiment un changement de civilisation si on acceptait l'euthanasie. C'est une façon individualiste de voir les choses", a commenté dans le cortège, Maylis, 54 ans, venue des Yvelines.
Porté par le gouvernement Attal, un projet de loi sur la fin de vie devait légaliser le suicide assisté et, dans certains cas, l'euthanasie, avec de strictes conditions et sans employer ces termes, préférant parler d'"aide active à mourir". Son examen a été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale.
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, François Bayrou, ne s'est pas prononcé sur ce sujet sensible, ni sur le délai d'examen ni sur le fond, renvoyant le texte "au pouvoir d'initiative" du Parlement.
Par Sophie LAUBIE avec Marine PENNETIER, © 2025 AFP