A Paris, des riverains de la "salle de shoot" partagés avant la fin de l'expérimentation
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A Paris, des riverains de la "salle de shoot" partagés avant la fin de l'expérimentation
Le samedi 18 janvier 2025 à 05:00 ● toxicomanie santé sdf services social collectivités
A Paris, des riverains de la "salle de shoot" partagés avant la fin de l'expérimentation
"Dépassés", "soulagés" ou inquiets, les riverains de la "salle de shoot" de Paris sont partagés sur cette expérimentation menée au nom de la santé et de la tranquillité publiques, qui arrive à son terme fin 2025.
Appelées "salles de consommation à moindre risque" quand elles ont été créées en 2016 à Paris et Strasbourg, les deux "haltes soins addictions" (HSA) s'adressent "aux plus démunis et exclus du système de soin".
Sous la surveillance de soignants, les 200 à 300 visiteurs quotidiens de la HSA adossée à l'hôpital Lariboisière s'injectent eux-mêmes leur produit avec des seringues stériles fournies par l'association médico-sociale Gaïa-Paris.
"Avant c'était le bordel, on était une cinquantaine par terre. On se shootait dans les parkings, les gosses passaient à côté", raconte un usager, Tony, visiblement agité et se balançant d'un pied sur l'autre.
"Certains riverains se plaignent du fait que la salle réunisse des toxicomanes, c'était déjà le cas avant mais dans la rue", explique lors d'une réunion publique cet acheteur régulier de Skenan, un médicament dérivé de morphine.
Pour Laetitia, habitante du quartier depuis 1978 et représentante du collectif Riverains Lariboisière Gare du Nord opposé au maintien de la halte parisienne, la physionomie du quartier avant 2016 "n'était sans aucune mesure avec ce qu'il y a aujourd'hui".
- "Un climat terrible" -
Selon la quinquagénaire, les usagers de seringues dans les parages sont passés de quelques-uns à environ 250 qui font la queue chaque jour devant la salle de shoot. "Ca crée un climat terrible", déplore-t-elle.
"Quand vous vivez avec ça depuis huit ans, vous arrivez à la conclusion que c'est une erreur d'avoir mis ça là", à proximité d'immeubles d'habitation, regrette Laetitia.
Dans un document adressé à l'AFP, la préfecture de police chiffre les interpellations liées aux stupéfiants dans le quartier à 115 en 2024, celles concernant les troubles à la tranquillité publique à 123.
"La salle ne peut fonctionner s'il n'y a pas de deal autour", soutient la représentante du collectif de 280 habitants, qui affirme en apercevoir encore dans le secteur.
Les inspections générales des affaires sociales et de l'administration ont elles évalué positivement ces haltes et préconisé de les pérenniser.
"Les salles améliorent la tranquillité publique en diminuant les consommations de rue" et "n'engendrent pas de délinquance", affirme leur rapport daté d'octobre 2024, qui pointe la baisse du nombre de seringues abandonnées ramassées par jour dans les rues de Paris, passées en huit ans de 150 à moins de 10.
En 2021, l'Inserm estimait que l'accompagnement proposé par les salles de shoot avait déjà permis d'éviter 43 décès, 69% des surdoses, ainsi que nombre d'infections au VIH et à l'hépatite C.
"Avant, il y avait des points de deal un peu partout, des gens qui s'injectaient sur le trottoir", raconte Cécile Dumas, habitante depuis près de 20 ans du boulevard Magenta, aux abords de la HSA.
"Je faisais un détour pour éviter cette zone, je ne voulais pas passer par là", poursuit la mère de famille de 52 ans, "soulagée" de voir cet espace être mis en place en 2016.
Selon elle, la halte a permis d'avoir des interlocuteurs: "on n'est plus seuls face à un problème qui nous dépasse tous, personne ne sait comment réagir seul" face à des toxicomanes.
La maire du 10e arrondissement de Paris, Alexandra Cordebard, remarque que depuis la création de la salle, il y a eu "zéro mort par overdose dans le quartier".
La halte fournit "une vie avec la drogue de bien meilleure qualité", se félicite-t-elle, estimant qu'il faudrait étendre le dispositif.
Si cet espace fermait, "ce serait un retour en arrière autant pour les personnes accédant à cette salle depuis des années que pour les riverains", tranche Laure, une usagère régulière de 23 ans qui s'exprime sur un rythme saccadé en promenant son regard d'un endroit à l'autre de la pièce.
La jeune femme, dépendante aux opioïdes et sans domicile fixe depuis ses 16 ans, estime que "fermer la salle n'arrêtera de toute façon pas le trafic à la gare du Nord", puisqu'il est en place "depuis plus de 20 ans".
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Par Bouchra BERKANE, © 2025 AFP
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